Language of document : ECLI:EU:C:2015:132

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NIILO JÄÄSKINEN

présentées le 26 février 2015 (1)

Affaire C‑657/13

Verder LabTec GmbH & Co. KG

contre

Finanzamt Hilden

[demande de décision préjudicielle
formée par le Finanzgericht Düsseldorf (Allemagne)]

«Liberté d’établissement – Constatation et imposition des réserves latentes résultant du transfert d’actifs d’un établissement stable d’une entreprise dans un État membre vers un établissement stable dans un autre État membre – Existence d’une entrave – Détermination du montant des plus-values latentes entrant dans les bénéfices imposables au moment du transfert – Justification – Préservation de la répartition du pouvoir d’imposition entre les États membres – Paiement et recouvrement en dix annuités – Proportionnalité»






I –    Introduction

1.        Le présent renvoi préjudiciel concerne les règles fiscales de la République fédérale d’Allemagne établissant la dette fiscale sur les réserves latentes (occultes) à acquitter par annuités. Ces règles s’appliquent lors du transfert d’actifs relevant des biens d’une entreprise à partir d’un établissement stable appartenant à une entreprise allemande vers son établissement stable à l’étranger.

2.        Une société en commandite de droit allemand a transféré des actifs professionnels constitués de divers droits de propriété intellectuelle de l’établissement stable en Allemagne vers son établissement stable aux Pays-Bas. Selon l’autorité fiscale compétente, ce transfert donne naissance en droit allemand à une dette fiscale portant sur la constatation de réserves latentes liées aux actifs transférés. L’impôt n’est toutefois pas devenu immédiatement exigible. L’autorité fiscale autorise à la place le versement en annuités sur une période de dix ans.

3.        La société en commandite a contesté la décision de l’autorité fiscale devant les tribunaux allemands et ce litige a débouché sur la présente décision de renvoi du Finanzgericht Düsseldorf (tribunal des finances, Allemagne). Les problèmes juridiques soulevés par le litige portent sur le point de savoir si les dispositions allemandes litigieuses restreignent la liberté d’établissement, si elles peuvent être justifiées par la nécessité de préserver le pouvoir d’imposition de la République fédérale d’Allemagne sur les plus-values latentes (réserves occultes) générées dans ledit État membre avant le transfert des actifs concernés, et si elles sont proportionnées, notamment à la lumière du fait que, d’une part, l’impôt est exigible avant même la réalisation effective des actifs et, d’autre part, que la période de recouvrement s’étend sur dix années.

4.        La Cour a déjà examiné ce type de problèmes, en particulier dans des arrêts tels que l’arrêt National Grid Indus (2), dans différents recours en manquement formés par la Commission européenne et dirigés contre la République portugaise, le Royaume d’Espagne et le Royaume du Danemark (3), et plus récemment dans l’arrêt DMC (4). Toutefois, la présente affaire se caractérise par une nouvelle combinaison de faits.

II – Le cadre juridique

5.        Le droit allemand particulièrement complexe peut être synthétisé dans les termes suivants.

6.        À l’origine, il n’existait pas de fondement légal en droit allemand pour l’«imposition séparée». Celle-ci reposait plutôt sur la jurisprudence du Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances) de 1969 selon laquelle le transfert d’un actif d’une entreprise allemande à son établissement stable étranger devait être considéré comme un retrait d’actifs des activités économiques au sens de l’article 4, paragraphe 1, deuxième phrase, de la loi sur l’impôt sur le revenu (Einkommensteuergesetz, ci-après l’«EStG»). Pour atténuer les effets de cette approche pour les contribuables, l’autorité fiscale autorise ces derniers, à titre de pratique administrative, à choisir entre la prise en compte immédiate des plus‑values latentes dans le revenu imposable et le report d’imposition en tenant compte de ces bénéfices en tant que montant compensatoire d’une dette fiscale non réglée dans les bilans fiscaux pertinents sur une période de dix ans.

7.        L’«imposition séparée» a été réglementée pour la première fois dans la loi relative aux mesures d’accompagnement en vue de l’introduction de la société européenne et de la modification d’autres dispositions en matière fiscale (Gesetz über steuerliche Begleitmaßnahmen zur Einführung der Europäischen Gesellschaft und zur Änderung weiterer steuerlicher Vorschriften, ci-après le «SEStEG») (5).

8.        L’article 4, paragraphe 1, troisième phrase, de l’EStG, inséré dans ladite loi, se lit comme suit: «L’exclusion ou la restriction du droit d’imposition de la République fédérale d’Allemagne à l’égard du bénéfice résultant de la cession ou de l’utilisation d’un actif équivaut à un prélèvement hors exploitation.»

9.        Le SEStEG a également introduit un article 4g à l’EStG qui prévoit que, dans les cas dans lesquels un actif est réputé avoir été prélevé, conformément à l’article 4, paragraphe 1, troisième phrase, de l’EStG, en raison de son attribution à un établissement du même contribuable situé dans un autre État membre de l’Union européenne, un poste de compensation est créé à la demande du contribuable, à hauteur de la différence entre la valeur comptable de l’actif et la valeur vénale de celui-ci; ce poste de compensation est repris en bénéfice pour un cinquième au cours de l’exercice où il a été créé et au cours des quatre exercices suivants respectivement.

10.      En 2010, l’article 4, paragraphe 1, de l’EStG a été modifié à la suite d’un arrêt du Bundesfinanzhof (6). Premièrement, une quatrième phrase a été ajoutée à la suite de la troisième phrase de l’article 4, paragraphe 1, de l’EStG. Elle est libellée comme suit:

«Il existe notamment une exclusion ou une restriction du droit d’imposition à l’égard du bénéfice résultant de la cession d’un actif lorsqu’un actif attribuable jusqu’alors à un établissement du contribuable situé sur le territoire national devient attribuable à un établissement étranger.»

11.      Deuxièmement, l’article 52, paragraphe 8b, de l’EStG, qui jusqu’alors disposait uniquement que l’article 4, paragraphe 1, troisième phrase, de l’EStG, tel que modifié par le SEStEG, entre en vigueur à compter de l’année 2006, a été modifié en ce sens que l’article 4, paragraphe 1, de l’EStG s’applique également aux exercices fiscaux antérieurs en cas de transfert d’actifs à un établissement stable à l’étranger dont le revenu est exonéré de l’imposition nationale en Allemagne en vertu d’une convention de prévention de la double imposition et que l’article 4, paragraphe 1, quatrième phrase, de l’EStG s’applique dans tous les cas auxquels s’appliquent l’article 4, paragraphe 1, troisième phrase.

III – La procédure au principal, la question préjudicielle et la procédure devant la Cour

12.      Verder LabTec GmbH & Co KG (ci-après la «société en commandite») est une société en commandite simple dont le siège est à Haan (Allemagne). Verder LabTec Beteiligungs GmbH (ci-après le «commandité»), dont le siège se trouve également à Haan, est son commandité (7). Les sociétés commanditaires sont Tarco BV et Labo-Tech BV, qui ont toutes deux leur siège aux Pays-Bas. À partir du mois de mai 2005, la partie requérante s’est occupée exclusivement de la gestion des droits découlant de ses brevets, marques et modèles. Par contrat du 25 mai 2005, elle a transféré lesdits droits à son établissement stable situé à Vleuten (Pays-Bas) (8).

13.      Dans le cadre d’un contrôle fiscal, le Finanzamt Hilden (l’administration fiscale, ci-après le «Finanzamt») a considéré que le transfert des droits de propriété intellectuelle devait avoir lieu en mettant au jour les réserves latentes avec leur valeur de pleine concurrence au moment du transfert. La valeur des réserves latentes a été fixée d’un commun accord entre les parties et l’administration fiscale a estimé que cette somme ne devait toutefois pas immédiatement être soumise à l’imposition pour son montant total, mais que, pour des raisons d’équité, elle devait être neutralisée par un poste pour mémoire de même montant; il y avait ensuite lieu de reprendre en bénéfice ledit poste pour mémoire de manière linéaire au cours d’une durée de dix ans. En d’autres termes, le Finanzamt a différé le recouvrement pour des raisons d’équité en répartissant les réserves latentes sur une période de dix ans. Dans l’avis du 17 août 2009 relatif à l’établissement séparé et uniforme d’assiettes d’imposition pour l’année 2005, le Finanzamt a fixé les revenus des activités de la commandite en tenant compte des réserves latentes. Par décision du 19 septembre 2011, il a rejeté comme non fondée la réclamation dirigée contre ledit avis.

14.      La société en commandite fait valoir devant la juridiction que la législation allemande méconnaît le principe de la libre circulation garantie par l’article 49 TFUE. De plus, le recouvrement immédiat de l’impôt au moment du transfert des actifs était disproportionné, le recouvrement de l’impôt au moment de la réalisation des plus-values constituant une alternative moins contraignante.

15.      Eu égard aux considérations qui précèdent, le Finanzgericht Düsseldorf a invité la Cour à statuer à titre préjudiciel sur la question suivante:

«La liberté d’établissement de l’article 49 TFUE admet-elle que, dans le cas où un établissement situé sur le territoire national transfère un actif à un établissement de la même entreprise situé à l’étranger, une réglementation nationale prévoie qu’il existe un prélèvement hors exploitation ayant pour conséquence que, en mettant au jour des réserves latentes, un bénéfice lié au prélèvement apparaît et qu’une autre réglementation nationale donne la possibilité de répartir ledit bénéfice en fractions égales sur cinq ou dix exercices?»

16.      La société en commandite, le Finanzamt, les gouvernements allemand, belge, danois, espagnol, italien, néerlandais et suédois ont présenté des observations écrites. Il n’y a eu aucune audience de plaidoirie.

IV – Analyse

A –    Observations introductives

1.      La recevabilité

17.      Selon la société en commandite, la question préjudicielle est irrecevable en raison de son caractère hypothétique. C’est le cas parce qu’aucune des périodes de cinq ou dix ans pour le recouvrement de l’impôt mentionnées par le Finanzgericht Düsseldorf n’est applicable à l’exercice de l’année 2005. La Commission estime que la question préjudicielle est, ou pourrait être, hypothétique, s’agissant de la période de cinq ans eu égard au fait que cette période n’est pas applicable à l’exercice de l’année 2005. Le Finanzamt et le gouvernement allemand soulignent également le fait que la période de cinq ans est sans pertinence pour la solution du litige.

18.      Selon moi, la question préjudicielle est hypothétique dans la mesure où elle concerne la proportionnalité de la période de cinq ans pour le paiement de l’impôt. Il en va ainsi, parce que l’autorité fiscale allemande n’a rendu aucune décision concernant la société en commandite en vertu de laquelle cette période est applicable. En revanche, le Finanzamt accorde une période de dix ans pour acquitter cet impôt et, à cet égard, la question préjudicielle n’est pas hypothétique. S’agissant de la période de recouvrement, la Cour doit donc se limiter à examiner la conformité au droit de l’Union de la période litigieuse de dix ans.

2.      Les réserves latentes et l’imposition à la sortie

19.      La notion de «réserves latentes» (occultes) se réfère aux bénéfices, généralement les plus-values, qui ne sont pas incluses dans la base d’imposition d’un contribuable aux fins de l’impôt sur le revenu. Les réserves latentes peuvent provenir de l’augmentation de la valeur d’un actif et/ou de règles fiscales qui autorisent des amortissements supérieurs à la dépréciation réelle de l’actif en raison de l’usure et/ou d’autres déductions sur la base de dépenses non encore effectuées (9).

20.      Les plus-values latentes ne sont pas imposées comme des revenus de l’année au cours de laquelle elles ont été accumulées. Leur imposition est plutôt différée, habituellement à l’année au cours de laquelle elles ont été effectivement réalisées. La raison en est que, avant sa réalisation, la réserve latente ne contribue pas à la capacité du contribuable à acquitter l’impôt. Toutefois, dans le cas notamment d’actifs ou de biens non financiers sensibles à la dépréciation, il n’y a pas nécessairement une réalisation des actifs par une cession, mais les réserves latentes ont métaphoriquement «fondu» lorsque la valeur économique des actifs approche zéro, par exemple, en raison de l’usure des machines ou de l’expiration des droits de propriété intellectuelle.

21.      Les réserves latentes entrent également dans le revenu imposable dans les situations dans lesquelles il est procédé à un retrait (aliénation) pour des motifs non économiques. Cela signifie qu’un actif est soustrait à la base d’imposition d’un contribuable. Cela peut être le cas, par exemple, lorsqu’un actif est transféré du patrimoine professionnel d’un homme d’affaires à sa consommation personnelle ou d’une société de personnes à ses membres gracieusement ou pour un prix inférieur à la valeur vénale. Toutefois, les exemples d’aliénation les plus importants concernent la sortie du champ personnel ou territorial du pouvoir d’imposition d’un État.

22.      L’exil fiscal qui conduit à la perception de taxes dites «de sortie» peut porter sur le contribuable, l’objet de l’imposition ou bien les deux. L’émigration d’un contribuable personne privée ou personne morale dans un autre État transfert habituellement le pouvoir d’imposition audit État membre. Il en va de même s’agissant du transfert d’un «élément imposable», tel que des actifs d’une entreprise, d’un État dans un autre. Dans le cas d’établissements stables (10), il peut être question, selon le cas, de la sortie soit d’un contribuable, soit d’un élément imposable, soit des deux (11).

23.      Les articles 7 et 13, paragraphe 2, du modèle de convention fiscale de l’OCDE concernant le revenu et les plus-values d’une entreprise reconnaissent le pouvoir d’imposition à la fois à l’État d’origine et à l’État d’accueil s’agissant des établissements stables des sociétés étrangères. Afin d’éviter la double imposition des mêmes bénéfices, les États membres d’origine peuvent s’abstenir d’imposer les bénéfices des établissements fixes de leurs sociétés situés à l’étranger. C’est également le cas de la République fédérale d’Allemagne qui exonère de l’impôt les revenus des établissements stables néerlandais de sociétés résidentes en Allemagne (12).

24.      Pour les contribuables, les taxes de sortie peuvent créer une situation de double imposition ou l’absence d’imposition des réserves latentes. La première possibilité peut se présenter lorsque l’État que quitte le contribuable prélève une taxe de sortie basée sur la différence entre la valeur comptable (dans les bilans fiscaux) et la valeur réelle des actifs tandis que l’État d’accueil utilise la même valeur comptable comme base d’imposition lorsque l’actif est cédé sans permettre une déduction de la taxe perçue dans l’État de sortie. En revanche, dans la seconde possibilité, une absence d’imposition des réserves latentes peut résulter d’une combinaison entre l’absence de taxe de sortie perçue par l’État de sortie et l’acceptation par l’État d’accueil de la valeur réelle de l’actif comme valeur d’entrée («stepping‑up»), et l’actif est cédé pour cette valeur (13).

25.      De plus, lorsqu’elle est perçue avant la réalisation de l’actif, une taxe de sortie crée nécessairement un désavantage de trésorerie pour le contribuable.

26.      Les observations présentées dans cette affaire reflètent un désaccord persistant entre la Commission et les États membres quant à l’acceptabilité et au mode de fonctionnement des taxes de sortie dans le marché intérieur (14). Alors que la Commission et le Conseil de l’Union européenne semblent partager la position de principe selon laquelle la taxation à la sortie constitue une entrave aux libertés du marché intérieur, mais également une conséquence inévitable du principe de territorialité fiscale régissant la répartition des pouvoirs d’imposition entre les États membres, leurs avis divergent s’agissant de leur justification et de leur proportionnalité. Il n’est donc pas surprenant que l’imposition à la sortie ait donné lieu à une jurisprudence relativement abondante de la Cour.

3.      Synthèse de la jurisprudence essentielle

27.      Aucun arrêt de la Cour n’est directement transposable au cas présent. Ce faisant, un aperçu des problèmes factuels examinés dans ces arrêts et les constatations de la Cour fournissent une feuille de route utile pour déterminer si le recours formé par la société en commandite est étayé par le droit de l’Union.

28.      Dans l’affaire National Grid Indus (C‑371/10, EU:C:2011:785), une société néerlandaise avait transféré son siège de direction effective au Royaume-Uni. Conformément à l’accord visant à prévenir la double imposition applicable, cette société était réputée, après le transfert, avoir sa résidence fiscale au Royaume-Uni, bien que demeurant une société néerlandaise en principe redevable de l’impôt aux Pays-Bas. La société ne disposant pas d’un établissement stable aux Pays-Bas, seul le Royaume-Uni était habilité à imposer ses bénéfices et ses plus-values après le transfert en vertu des clauses de la convention visant à prévenir la double imposition. Selon le droit néerlandais, il devait y avoir un apurement des plus-values latentes à la date du transfert.

29.      La Cour a répondu aux questions préjudicielles déférées par le Gerechtshof Amsterdam (Cour d’appel d’Amsterdam, Pays-Bas), dans la mesure où ces réponses sont pertinentes pour la présente affaire, que l’article 49 TFUE ne s’oppose pas à une réglementation d’un État membre en vertu de laquelle le montant de l’imposition sur les plus-values latentes afférentes à des éléments du patrimoine d’une société est fixé définitivement – sans prise en considération des moins-values non plus que des plus-values susceptibles d’être réalisées ultérieurement – au moment où la société, en raison du transfert de son siège de direction effective dans un autre État membre, cesse de percevoir des bénéfices taxables dans le premier État membre. Toutefois, l’article 49 TFUE s’oppose à une réglementation d’un État membre qui impose le recouvrement immédiat de l’impôt sur les plus-values latentes afférentes aux éléments de patrimoine d’une société transférant son siège de direction effective dans un autre État membre, au moment même dudit transfert.

30.      Outre qu’elle a fait une distinction entre la détermination du montant de la plus-value imposable et le recouvrement de l’impôt, la Cour a jugé que la législation néerlandaise était propre à garantir la préservation de la répartition du pouvoir d’imposition entre les États membres concernés, les plus-values latentes afférentes à un bien économique sont ainsi imposées dans l’État membre dans lequel elles sont nées (15) (mise en italique par mes soins). J’observe que le fait que la société demeure redevable de l’impôt aux Pays-Bas, bien que n’ayant plus aucun bénéfice imposable dans cet État membre, ne présentait pas une importance décisive.

31.      Dans l’arrêt Commission/Portugal (EU:C:2012:521), la Cour a considéré que, dans le cadre de son premier grief, la Commission faisait valoir que les dispositions pertinentes du droit portugais comportaient des entraves à la liberté d’établissement étant donné qu’en cas de transfert, par une société portugaise, de son siège statutaire et de sa direction effective dans un autre État membre, ainsi qu’en cas de transfert partiel ou total des actifs d’un établissement stable d’une société non-résidente au Portugal situé sur le territoire portugais vers un autre État membre, une telle société était financièrement pénalisée par rapport à une société similaire qui maintient ses activités sur le territoire portugais (16). Compte tenu du fait que des opérations similaires purement nationales n’entraînaient pas une imposition immédiate des plus-values latentes, la Cour a considéré que le droit portugais violait l’article 49 TFUE.

32.      Dans l’affaire Commission/Danemark (17), la Commission contestait la conformité à l’article 49 TFUE et à l’article 31 de l’Accord sur l’Espace économique européen (EEE) d’une législation danoise qui prévoyait l’imposition immédiate des plus-values des sociétés à responsabilité limitée, en cas de transfert d’actifs à un autre de leurs établissements dans d’autres États membres alors que des transferts analogues sur le territoire danois (à l’exclusion du Groenland et des îles Féroé) n’étaient pas imposés. La législation danoise en cause considérait ces transferts transfrontaliers comme des ventes des actifs concernés, alors que des opérations similaires entre les établissements d’une société au Danemark n’étaient pas considérées comme des ventes d’actifs (18). La Cour a jugé qu’il y avait violation des dispositions précitées, parce que la législation danoise qui exigeait l’imposition immédiate des plus-values latentes en cas de transfert d’actifs d’une société à responsabilité limitée en dehors du territoire continental du Danemark (19) était disproportionnée (20).

33.      La constatation de la Cour selon laquelle les États membres étant en droit d’imposer les plus-values qui ont été générées alors que les actifs en cause se trouvaient sur leur territoire ont le pouvoir de prévoir, pour cette imposition, un fait générateur autre que la cession effective, afin de garantir l’imposition des actifs qui ne sont pas destinés à être cédés, sous réserve que l’impôt n’est pas prélevé au moment du transfert (21), revêtait une importance particulière pour la présente affaire. Cette déclaration était liée aux arguments du gouvernement danois selon lesquels les actifs autres que financiers, tels que des actifs sujets à l’usure ou la propriété immatérielle, ne sont pas destinés à être réalisés et tendent en outre à se déprécier. Cela signifiait que leur valeur comptable serait nulle ou tout du moins inférieure au montant de l’impôt dû (22).

34.      L’arrêt DMC (C‑164/12, EU:C:2014:20) concernait l’imposition de plus‑values latentes d’une société en commandite de droit allemand dissoute, parce que ses associés commanditaires, deux sociétés autrichiennes à responsabilité limitée, avaient transféré leurs parts dans la société en commandite au commandité allemand en échange de parts dans le commandité. La société en commandite a été dissoute, l’intégralité des intérêts dans cette société ayant été transférés au commandité allemand.

35.      Cela a conduit à l’imposition des commanditaires en Allemagne sur la base des plus-values latentes de la société en commandite allemande, parce que, en tant qu’associés, ils étaient redevables de l’impôt sur les bénéfices bien qu’ils ne disposaient pas d’un établissement en Allemagne à la suite de la dissolution de la société en commandite. Par conséquent, la République fédérale d’Allemagne n’avait plus le droit d’imposer les bénéfices de la cession des parts sociales dans le commandité allemand accordées en échange de l’apport des parts que ces sociétés détenaient dans la société en commandite allemande. Les parts sociales des associés commanditaires dans le commandité allemand à leur valeur estimée, et non à leur valeur comptable, rendaient imposables les plus‑values latentes afférentes aux parts dans la société en commandite allemande.

36.      Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt DMC (C‑164/12, EU:C:2014:20), le Finanzgericht Hamburg (tribunal des finances de Hambourg) a déféré à la Cour deux questions préjudicielles. La première concernait la conformité à la liberté d’établissement d’une disposition allemande selon laquelle, «dans l’hypothèse de l’apport de parts [d’un] coentrepreneur dans une société de capitaux, la valeur du patrimoine d’exploitation apporté doit impérativement être fixée à la valeur estimée (de sorte que, du fait de la divulgation des réserves latentes, il résulte un bénéfice de cession au profit de l’apporteur), pour autant que, au moment de l’apport en nature, la République fédérale d’Allemagne n’a pas le droit d’imposer le bénéfice tiré de la cession des nouvelles parts sociales accordées à l’apporteur en échange de son apport».

37.      Par sa seconde question, sous réserve d’une réponse négative à la première question, la juridiction nationale a demandé si la disposition nationale était conforme à la liberté d’établissement si l’apporteur avait le droit, sans devoir acquitter d’intérêts, de demander un report de l’imposition résultant des réserves latentes, permettant le paiement de l’impôt dû sur le bénéfice par annuités sur une période de cinq ans sous réserve que le paiement soit garanti.

38.      La Cour a considéré que les faits de l’affaire relevaient de la libre circulation des capitaux et non pas de la liberté d’établissement. Elle a en outre estimé que la disposition nationale pouvait être conforme à l’article 63 TFUE à la lumière de la justification liée à la préservation d’une répartition équilibrée du pouvoir d’imposition entre les États membres. Cela était sujet à la réserve qu’il ne soit pas impossible à l’État membre dans les faits d’exercer ses pouvoirs d’imposition sur les plus-values latentes au moment où elles ont été effectivement réalisées (23).

39.      S’agissant de la seconde question, l’imposition immédiate de plus-values latentes générées sur le territoire de l’État membre en cause a été considérée comme n’étant pas disproportionnée, sous réserve que le contribuable puisse opter pour le paiement différé et, s’il fait usage de cette option, satisfasse à l’obligation de fournir une garantie bancaire sur la base du risque effectif de non-recouvrement de l’impôt (24). La Cour a notamment jugé, eu égard au fait que le risque de non‑recouvrement augmente en fonction de l’écoulement du temps, que l’échelonnement du paiement de l’impôt dû avant la réalisation effective des plus‑values latentes sur cinq annuités constitue une mesure adéquate et proportionnée pour réaliser l’objectif de la préservation de la répartition du pouvoir d’imposition entre les États membres (25) (mise en italique par mes soins).

40.      Selon moi, la Cour a accepté un principe général selon lequel, en l’absence de règles spécifiques de l’Union, il découle de la compétence des États membres en matière d’imposition directe qu’ils peuvent imposer les plus-values latentes générées sur leur territoire bien que cela entraîne, selon le cas, une entrave à la liberté d’établissement ou à la libre circulation des capitaux (26). Cela repose sur la reconnaissance plus générale, dans le contexte de la sortie d’un contribuable, de la compétence des États membres d’exercer leurs pouvoirs d’imposition sur les activités exercées sur leur territoire conformément au principe de territorialité fiscale (27).

41.      Toutefois, à la lumière de la jurisprudence Commission/Portugal (C‑38/10, EU:C:2012:521) et Commission/Danemark (C‑261/11, EU:C:2013:480), cette reconnaissance des effets du principe de territorialité fiscale ne se limite pas aux situations dans lesquelles un contribuable quitte le territoire de l’État membre, mais s’applique également en cas de transfert partiel ou total d’actifs dans un autre État membre. En effet, en termes de territorialité fiscale, il est sans importance que le contribuable ait quitté ou non le champ de compétence territoriale si l’État membre perd sa compétence territoriale pour une certaine base d’imposition telle que les bénéfices imputables à des actifs spécifiques de l’entreprise. Dans un tel cas, il devient nécessaire pour un État membre de déterminer la dette fiscale acquise avant le transfert de la base d’imposition dans le champ du pouvoir d’imposition d’un autre État membre, sous réserve que le premier État membre ait attribué, par un acte de droit international et/ou une réglementation nationale, son pouvoir d’imposition après le transfert de la base d’imposition au second État membre.

42.      La Cour a expressément rejeté toute obligation pour l’État de sortie de tenir compte des modifications de valeur des actifs auxquels sont liées les réserves latentes après que ces actifs ont quitté le territoire de cet État membre (28). Toutefois, cette prérogative d’imposer les plus-values latentes générées dans l’État membre ne doit pas être utilisée de manière disproportionnée au regard de la perception de l’impôt et de ses modalités.

B –    L’existence d’une entrave à la liberté d’établissement

43.      La juridiction de renvoi explique l’existence d’une entrave à la liberté d’établissement en référence au fait que le transfert similaire d’actifs en Allemagne d’un établissement stable à un autre n’aurait pas donné lieu à une imposition des réserves latentes (29). Cette position semble partagée par l’ensemble des parties ayant présenté des observations à l’exception du Finanzamt et du gouvernement belge.

44.      Aux termes d’une jurisprudence constante, une règle fiscale constitue une entrave à la liberté d’établissement si une situation transfrontalière est traitée moins favorablement qu’une situation nationale sous réserve que les situations soient comparables (30).

45.      Les règles fiscales allemandes traitent sans nul doute le transfert d’actifs par un établissement stable national à un établissement stable étranger différemment d’une opération similaire réalisée entre deux établissements stables nationaux. L’imposition des réserves latentes est déclenchée dans le premier cas mais pas dans le second cas. Cette différence constitue un traitement moins favorable de l’opération transnationale comparée à une opération interne dans la mesure où il existe un désavantage en termes de trésorerie (31).

46.      Selon moi, même en l’absence d’un désavantage de trésorerie, il existe un traitement moins favorable. La détermination du montant auquel la plus-value latente contribue aux bénéfices imposables au moment du transfert des actifs aboutit, à l’égard du contribuable, à une perte de droit de se prévaloir de toute baisse ultérieure de la valeur vénale des actifs lors du calcul de la dette fiscale. Ce droit subsiste néanmoins si les actifs demeurent en Allemagne.

47.      Dès lors, une entrave à la liberté d’établissement survient dans la présente affaire sous réserve que la situation d’une entreprise allemande qui transfère des actifs à un établissement stable dans un autre État membre soit objectivement comparable au transfert d’actifs à un établissement stable situé en Allemagne. Aux termes de la jurisprudence, il semble que ce soit le cas (32).

48.      Toutefois, selon les gouvernements allemand et belge, il n’y a pas de traitement moins favorable des opérations transfrontalières en raison de l’application combinée de la convention visant à prévenir la double imposition conclue entre la République fédérale d’Allemagne et le Royaume des Pays-Bas ainsi que de la législation fiscale néerlandaise. En vertu de la convention, la République fédérale d’Allemagne exonère les bénéfices des établissements stables aux Pays-Bas de contribuables allemands, lesquels sont imposés par les Pays-Bas. En vertu du droit néerlandais, les actifs apportés d’Allemagne à un établissement stable aux Pays-Bas peuvent être passés au stade supérieur («stepped-up»), c’est-à-dire intégrés aux bilans fiscaux de ce dernier à leur valeur vénale qui constitue ensuite la base des amortissements. Il est donc soutenu que toute imposition allemande à la sortie serait neutralisée par les règles fiscales néerlandaises qui autorisent les amortissements à partir de la valeur des actifs «au stade supérieur», réduisant ainsi le revenu imposable généré par les actifs aux Pays-Bas. En raison des règles d’amortissement néerlandaises concernant les droits relatifs aux brevets, un contribuable peut même tirer avantage de la situation.

49.      Selon moi, cette argumentation ne change rien au fait que la législation allemande désavantage les transferts d’actifs transfrontaliers. Les effets de la convention fiscale portent plutôt sur la justification de l’entrave en référence au besoin de répartir les pouvoirs d’imposition de manière équitable entre deux États. J’aborderai cette question dans les points suivants.

50.      En outre, la jurisprudence de la Cour semble rejeter les arguments selon lesquels les règles des conventions fiscales peuvent neutraliser une entrave qui résulte, a priori, d’une législation fiscale interne. La Cour a constaté qu’«il appartient effectivement aux États membres de déterminer si, et dans quelle mesure, la double imposition économique des bénéfices distribués doit être évitée et d’introduire, à cet effet, de façon unilatérale ou au moyen de conventions conclues avec d’autres États membres, des mécanismes visant à prévenir ou à atténuer cette double imposition économique. Toutefois, ce seul fait ne leur permet pas d’appliquer des mesures contraires aux libertés de circulation garanties par le traité CE» (33).

51.      À mon avis, la législation invoquée dans la procédure au principal crée donc une entrave à la liberté d’établissement.

C –    La justification de l’entrave à la liberté d’établissement

1.      La préservation de la répartition équilibrée des pouvoirs d’imposition entre les États membres

52.      La juridiction nationale et les différents États membres qui sont intervenus à la procédure considèrent que la préservation de la répartition du pouvoir d’imposition entre les États membres, que la Cour a reconnue comme un objectif légitime d’intérêt général de nature à justifier une entrave à la liberté d’établissement, peut justifier la législation allemande en cause. De plus, la République fédérale d’Allemagne invoque la cohérence du système fiscal.

53.      En revanche, la Commission soutient que la première de ces justifications ne saurait prospérer parce que, eu égard à la jurisprudence du Bundesfinanzhof (34), la République fédérale d’Allemagne ne perd pas son pouvoir d’imposition des plus-values perçues avant le transfert des actifs.

54.      Je conseillerai à la Cour de ne pas souscrire à l’argument de la Commission, parce qu’il découle de son interprétation des revirements de la jurisprudence du Bundesfinanzhof concernant le point de savoir si l’apport d’actifs à un établissement stable étranger équivaut à l’aliénation de la propriété impliquant la perte du pouvoir d’imposition de cet État. En fait, la dette fiscale de la société en commandite semble n’avoir pris naissance qu’en raison du transfert d’actifs à un établissement stable étranger. C’est cette conséquence, découlant du droit national, qui doit être justifiée par l’État membre au regard de la liberté d’établissement.

55.      La question de savoir si les règles allemandes sont justifiées au regard du droit de l’Union dépend, premièrement, du point de savoir si elles sont appropriées et nécessaires pour préserver la répartition du pouvoir d’imposition décrit précédemment et, deuxièmement, si elles vont ou non au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif (35). Selon moi, il n’est pas nécessaire d’analyser en détail les règles allemandes en cause par rapport à ce schéma, parce qu’il est possible d’appliquer les conclusions pertinentes tirées par la Cour dans les arrêts décrits précédemment.

56.      Je relève que la jurisprudence de la Cour sur les taxes de sortie a été construite sur la distinction entre, d’une part, la détermination du montant de la dette fiscale au moment de la sortie et, d’autre part, le recouvrement de la taxe ainsi déterminée. La Cour a admis que la première de ces opérations se justifie par l’objectif de la préservation de la répartition du pouvoir d’imposition (36) et du maintien de la cohérence du système fiscal (37).

57.      Personne ne conteste que la République fédérale d’Allemagne conserve son droit d’imposer les plus-values générées sur son territoire avant le transfert. Il est également évident que, en raison de la convention fiscale, la République fédérale d’Allemagne a renoncé à son pouvoir d’imposer les bénéfices et les actifs d’un établissement stable néerlandais d’une entreprise allemande et qu’elle a exonéré tous les revenus imputables à cet établissement permanent.

58.      La République fédérale d’Allemagne et le Royaume des Pays-Bas semblent donc avoir coordonné leurs pouvoirs d’imposer les bénéfices générés par les actifs en question de telle sorte que le moment du transfert est décisif. Pour que la République fédérale d’Allemagne puisse exercer son pouvoir d’imposition, elle doit manifestement être en mesure de déterminer le montant à hauteur duquel les plus-values latentes ont contribué aux bénéfices imposables de la société en commandite au moment du transfert des actifs. Dans le cas contraire, il y aurait une confusion entre ces plus-values et toute autre plus-value (ou moins-value) obtenue après le transfert et qui relève du pouvoir d’imposition du Royaume des Pays-Bas.

2.      L’exercice par la République fédérale d’Allemagne de son pouvoir d’imposition (détermination du montant des plus-values latentes)

59.      Pour la République fédérale d’Allemagne, la véritable question est donc de savoir comment elle peut exercer son pouvoir d’imposition de manière effective. Le fait que la société en commandite demeure en Allemagne rend-t-il superflue la détermination du montant des plus-values latentes obtenues en Allemagne avant le transfert des actifs en question pour maintenir une répartition équilibrée du pouvoir d’imposition entre les deux États membres? Il semble que ce soit la position de la Commission. Elle se prévaut de passages de l’arrêt DMC dans lesquels la Cour a reconnu que l’objectif de préserver une répartition équilibrée des pouvoirs d’imposition entre États membres ne peut justifier des règles d’un État membre par ailleurs illicites que lorsque l’État membre dans lequel les revenus ont été générés est empêché dans les faits d’exercer son pouvoir d’imposition sur lesdits revenus (38).

60.      Il est clair que la République fédérale d’Allemagne conserve le pouvoir d’imposition ratione personae sur la société en commandite, puisqu’il n’y a pas de sortie de la société. Il en va de même pour le commandité, une société à responsabilité limitée de droit allemand. S’agissant du statut fiscal des commanditaires qui sont des sociétés néerlandaises, le dossier de l’affaire ne comporte aucune information concernant leur statut fiscal en Allemagne.

61.      Eu égard à l’arrêt de la Cour rendu dans l’affaire National Grid Indus (C‑371/10, EU:C:2011:785), je ne vois pas comment une objection pourrait être opposée à l’Allemagne contre l’évaluation des bénéfices imposables en référence à la détermination du montant imposable correspondant à la plus‑value non réalisée liée aux actifs transférés à l’établissement permanent aux Pays-Bas de la société en commandite. Cela est nécessaire à la sécurité juridique, parce que ces bénéfices sont, en tout état de cause, liés au moment du transfert et, par conséquent, à un exercice spécifique (39).

62.      Selon moi, il n’existe pas de différence pertinente entre les situations dans lesquelles tous les actifs d’un établissement stable national d’un résident fiscal sont transférés à un établissement stable étranger, et celle dans laquelle seuls certains actifs sont transférés, et ce dans la mesure où la personne juridique qui procède au transfert demeure assujettie à l’impôt dans l’État de sortie. Dans l’arrêt Commission/Portugal, la Cour n’a pas établi de distinction entre transfert partiel et transfert total des actifs à partir d’établissements stables portugais d’une société non-résidente (40). Cela devrait avoir encore moins d’importance dans le cas de sociétés résidentes, puisque la base d’imposition – c’est-à-dire des plus-values latentes générées avant le transfert – demeure identique dans les deux cas (41). 

63.      De plus, la jurisprudence semble accepter la détermination d’une imposition à la sortie dans le contexte d’un transfert d’actifs, même si le contribuable ne déménage pas dans un autre État membre, sous réserve qu’il n’y ait pas de recouvrement immédiat de ladite imposition (42).

64.      En conclusion, aux fins de préserver le pouvoir d’imposition de la République fédérale d’Allemagne sur les plus-values latentes générées avant le transfert des actifs, qui constitue le fait générateur de l’établissement de la dette fiscale, il est à la fois nécessaire et approprié que le montant des bénéfices imposables soit déterminé à ce stade. La persistance de la société en commandite, résidente fiscale en Allemagne, n’a pas d’incidence sur cette conclusion; elle n’affecte que la question du recouvrement.

65.      Enfin, avant d’examiner en détail la question du recouvrement de l’impôt, je souligne que l’invocation par la Commission de l’impossibilité pratique d’imposer les plus-values latentes, que la Cour avait mise en doute sur la base des faits de l’affaire DMC, est sans fondement. Dans l’affaire DMC, la Cour s’est demandée s’il était impossible pour la République fédérale d’Allemagne de prendre en compte les plus-values latentes d’une société en commandite de droit allemand dissoute dans la détermination de l’impôt sur les sociétés de la société à responsabilité limitée qui avait été son commandité lorsque la société en commandite de droit allemand avait été reprise par le seul associé subsistant, c’est-à-dire la société à responsabilité limitée, en conséquence de sa dissolution (43).

66.      Premièrement, dans le cas présent, il est impossible de tenir compte des plus-values latentes pertinentes d’une autre personne que la société en commandite et, en raison de l’imposition transparente, en définitive de ses associés. Deuxièmement, une délimitation correcte entre le pouvoir d’imposition de la République fédérale d’Allemagne et le Royaume des Pays-Bas n’est garantie que si le montant des plus-values latentes au moment du transfert des actifs est déterminé. Toute réalisation postérieure de ces plus-values n’affecte pas le montant, parce que toutes les plus-values ou moins-values postérieures au transfert des actifs entrent dans le champ du pouvoir de taxation du Royaume des Pays-Bas. Il n’est donc pas possible d’imposer ces plus-values latentes en Allemagne si leur montant au moment du transfert n’est pas établi.

3.      Le recouvrement de l’imposition

67.      Depuis les arrêts Commission/Danemark et DMC, il est clair que la Cour ne considère pas que la réalisation effective dans l’État d’accueil d’un actif transféré à un établissement stable dans ledit État membre soit le seul fait générateur acceptable ou obligatoire en ce sens qu’il est l’événement qui déclenche l’obligation d’acquitter l’impôt par opposition au fait générateur établissant la dette fiscale (44). En outre la Cour a déjà jugé que le recouvrement immédiat est disproportionné, mais elle a ajouté qu’il est proportionné d’offrir au contribuable le choix entre le paiement immédiat et le recouvrement de l’impôt en versements échelonnés (45). Une fois reconnu le droit de l’État membre de sortie d’imposer les plus-values latentes générées sur son territoire, la limitation du recouvrement de cet impôt aux situations dans lesquelles l’actif a effectivement été réalisé laisserait l’exercice des droits d’imposition de l’État de sortie au gré du contribuable (46).

68.      Selon moi, la jurisprudence est claire à cet égard. La Cour admet que d’autres événements que la réalisation effective déclenchent l’obligation de payer la taxe de sortie. Dans le même temps, la jurisprudence de la Cour n’impose aux États membres aucune obligation de permettre le report du paiement de la taxe de sortie jusqu’à la réalisation effective des actifs (47).

69.      Il est particulièrement important que la réalisation effective ne soit pas présentée comme le seul fait générateur possible, voire comme une alternative obligatoire, lorsque les actifs de l’entreprise transférés sont constitués de droits de propriété intellectuelle. Premièrement, ces droits sont transférables, mais leur titulaire peut aisément les exploiter sans les aliéner. Le fait d’autoriser la réalisation comme l’événement déclenchant le recouvrement de la taxe de sortie rendrait donc en pratique le paiement de cette taxe optionnel dans de nombreux cas. Deuxièmement, les droits de propriété intellectuelle génèrent habituellement des revenus et contribuent donc à la capacité contributive de leur titulaire en tant que flux continu de revenus sous forme de royalties ou comme revenu de l’exploitation commerciale de ces droits qui, dans le cas des brevets, modèles ou des droits de reproduction, sont limités dans le temps, mais qui, dans le cas des marques, peuvent être illimités. Une période de recouvrement durant laquelle la taxe est payable par tranches reflète donc mieux la contribution de ces droits à la capacité contributive (48).

4.      La proportionnalité de la période de paiement et de recouvrement de dix ans

70.      Enfin, s’agissant de la proportionnalité de la période de paiement et de recouvrement de la taxe de dix ans, certains systèmes de paiement de la taxe sont inévitables compte tenu du fait que la Cour a jugé que les législations des États membres prévoyant un recouvrement immédiat d’une taxe de sortie au moment du transfert étaient disproportionnées (49), en l’absence de toute option de report de leur recouvrement (50).

71.      Cette période pourrait être fixée individuellement pour tout actif transféré en tenant compte de son cycle de vie économique escompté eu égard à l’usure ou à l’expiration des droits de propriété intellectuelle, ce qui semble être la position de la Commission. Cette solution pourrait néanmoins comporter des inconvénients pratiques considérables pour le contribuable et l’État membre d’origine en raison des différences de durée de la protection résiduelle des droits individuels inclus dans les actifs transférés et la possibilité de leur transfert ultérieur au sein de la structure sociétale, finalement vers d’autres juridictions fiscales dans l’Union ou des pays tiers. Les difficultés de ce type expliquent pourquoi la Cour a rejeté la position selon laquelle la réalisation effective devrait être considérée comme le seul fait générateur acceptable du recouvrement de la taxe de sortie (51).

72.      Il en découle qu’une période de paiement et de recouvrement peut être fixée de manière schématique sans méconnaître le principe de proportionnalité. Le rejet du recouvrement immédiat des taxes de sortie par la Cour ayant été motivé par les désavantages de trésorerie du contribuable, il est clair que la période doit être suffisamment longue pour atténuer ce problème. Par ailleurs, la période doit être adaptée aux réalités économiques et juridiques de la vie des affaires et de la fiscalité des sociétés, telles que les dispositions sur la préservation des comptes et leurs pièces justificatives.

73.      Dans l’arrêt DMC (C‑164/12, EU:C:2014:20), la Cour a estimé qu’une période de cinq ans pour le paiement de la taxe de sortie était proportionnée dans les circonstances du cas d’espèce. Compte tenu du fait que la taxe de sortie en cause dans la présente affaire peut être acquittée sur une période de dix ans, je ne vois pas sur quelle base cette période pourrait être considérée comme disproportionnée.

V –    Conclusion

74.      Pour les raisons précitées, je propose de répondre à la question déférée par le Finanzgericht Düsseldorf de la manière suivante:

La liberté d’établissement garantie par l’article 49 TFUE ne fait pas obstacle, dans le cas où un établissement situé sur le territoire national transfère un actif à un établissement de la même entreprise situé à l’étranger, à une réglementation nationale mettant au jour des réserves latentes qui contribuent aux bénéfices imposables, lorsqu’une autre réglementation nationale donne la possibilité de répartir ledit bénéfice en fractions égales sur dix annuités.


1 – Langue originale: l’anglais.


2 – C‑371/10, EU:C:2011:785.


3 – Arrêts Commission/Espagne (C‑269/09, EU:C:2012:439); Commission/Portugal (C‑38/10, EU:C:2012:521) et Commission/Danemark (C‑261/11, EU:C:2013:480).


4 – C‑164/12, EU:C:2014:20. Comme l’a souligné le gouvernement italien dans ses observations, le Finanzgericht ne disposait pas de l’arrêt DMC à la date de sa décision de renvoi.


5 – BGBl. 2006 I, p. 2782.


6 – Par un arrêt du 17 juillet 2008, donc à une date à laquelle l’article 4, paragraphe 1, troisième phrase, de l’EStG, dans sa version résultant du SEStEG, était déjà en vigueur, le Bundesfinanzhof, dans une affaire concernant la période d’imposition de l’année 1985, a abandonné la théorie du prélèvement final. Il a fait valoir que le transfert d’un actif à un établissement étranger de la même entreprise ne constituait pas un prélèvement. Il a considéré qu’il n’était pas nécessaire de regarder le transfert d’un actif par une entreprise située sur le territoire national à son établissement étranger comme étant un cas de réalisation de bénéfice, étant donné que l’exonération d’imposition en Allemagne des bénéfices dudit établissement ne porte pas atteinte à l’imposition ultérieure des réserves latentes nées sur le territoire national. Compte tenu de ce revirement jurisprudentiel, le législateur a décidé de modifier le contenu de l’article 4, paragraphe 1, de l’EStG. Cela a été fait dans la loi fiscale pour l’année 2010 du 8 décembre 2010 (BGBl. 2010 I, p. 1768) pour garantir que les principes de l’arrêt du 17 juillet 2008 se limitent au cas d’espèce et que la théorie du retrait définitif, énoncée à l’article 4, paragraphe 1, troisième phrase, de l’EStG, s’applique à l’ensemble des affaires en suspens.


7 –      En Allemagne, les sociétés en commandite simple dont le commandité est une société à responsabilité limitée (les GmbH & Co KG) sont populaires pour des raisons fiscales. Voir Hensler, M., et Strohn, L., Gesellschaftsrecht, 2e édition, 2014, Beck, Munich, p. 403, 404 et 511. Il existe en Allemagne une imposition transparente des sociétés en commandite simple qui implique que la commandite en tant que telle est non pas un contribuable à l’impôt sur les sociétés ou sur le revenu, mais uniquement un contribuable en ce sens que les revenus imposables générés par ses activités sont calculés séparément et ensuite affectés à ses associés. Les impôts sont perçus chez les associés.


8 – Les parties à ce contrat ne sont pas citées dans la décision de renvoi. Je déduis du contexte qu’il s’agissait des associés de la société en commandite. Cette question ne semble toutefois pas pertinente pour la réponse à la question préjudicielle.


9–      Voir Von Brocke, K., et Müller, S., «Exit Taxes», EC Tax Review, 6, 2013, p. 299 à 304. De plus, les réserves latentes peuvent être accumulées du fait d’actifs immatériels tels que la renommée créée par le contribuable, qui ne peut pas apparaître dans l’actif du bilan.


10 – Aux termes de l’article 5, paragraphes 1 et 2, du modèle de convention fiscale de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) concernant le revenu et la fortune du 22 juillet 2010 (http://www.oecd.org/fr/ctp/conventions/47213777.pdf), l’expression «établissement stable» désigne une installation fixe d’affaires par l’intermédiaire de laquelle une entreprise exerce tout ou partie de son activité et inclut notamment les succursales.


11 – Je rappelle que dans la directive 90/434/CEE du Conseil, du 23 juillet 1990, concernant le régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions, apports d’actifs et échanges d’actions intéressant des sociétés d’États membres différents (JO L 225, p. 1), le transfert d’actifs a une signification spécifique et limitée. Aux termes de la définition figurant à l’article 2, sous c), de la directive 90/434: «[a]ux fins de l’application de la présente directive, on entend par […] c) apport d’actifs: l’opération par laquelle une société apporte, sans être dissoute, l’ensemble ou une ou plusieurs branches de son activité à une autre société, moyennant la remise de titres représentatifs du capital social de la société bénéficiaire de l’apport».


12 – Les dispositions pertinentes de la convention fiscale de 1959 entre l’Allemagne et les Pays-Bas sont décrites dans les observations de la République fédérale d’Allemagne et du Royaume de Belgique. Aux termes de l’article 20, paragraphe 2, de la convention, la République fédérale d’Allemagne, en tant qu’État de résidence du contribuable, exclut de la base d’imposition tout revenu ou capital qui peut être imposé aux Pays-Bas en vertu de la convention. C’est le cas des établissements stables de sociétés allemandes résidentes aux Pays-Bas (article 5).


13 – Voir communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen et au Comité économique et social européen, intitulée «Imposition à la sortie et nécessité de coordonner les politiques fiscales des États membres», du 19 décembre 2006 [COM(2006) 825 final, p. 4 à 8]. Voir également points 47 à 49 des conclusions de l’avocat général Kokott qu’elle a présentées dans l’affaire National Grid Indus (C‑371/10, EU:C:2011:563).


14 – Voir communication de la Commission [COM(2006) 825 final], citée à la note 13 ainsi que résolution du Conseil, du 2 décembre 2008, sur la coordination en matière de taxation à la sortie (JO C 323, p. 1).


15 – Arrêt National Grid Indus (C‑371/10, EU:C:2011:785, point 48).


16 – Arrêt Commission/Portugal (C‑38/10, EU:C:2012:521, point 27).


17 – C‑261/11, EU:C:2013:480 (l’arrêt n’est disponible qu’en danois et en français).


18 – C‑261/11, EU:C:2013:480, point 24.


19 – C‑261/11, EU:C:2013:480, point 29.


20 – C‑261/11, EU:C:2013:480, point 32.


21 – C‑261/11, EU:C:2013:480, point 37.


22 – C‑261/11, EU:C:2013:480, points 12 à 14.


23 – Cette réserve reposait sur la possibilité à terme de prendre en compte les plus-values dans la détermination de l’impôt sur les sociétés redevable en Allemagne par la société acquérante, c’est-à-dire la société à responsabilité limitée qui avait été le commandité de la société en commandite dissoute. Arrêt DMC (C‑164/12, EU:C:2014:20, point 57).


24 – Arrêt DMC (C‑164/12, EU:C:2014:20, point 67).


25 – Arrêt DMC (C‑164/12, EU:C:2014:20, point 62).


26 – Arrêt National Grid Indus (C‑371/10, EU:C:2011:785, point 46).


27 – Arrêt DMC (C‑164/12, EU:C:2014:20, point 49 et jurisprudence citée).


28 – Arrêt National Grid Indus (C‑371/10, EU:C:2011:785, point 56).


29 – J’observe que l’article 43 CE, et non l’article 49 TFUE, est la disposition du traité applicable ratione temporis pertinente, puisque l’affaire porte sur un apport d’actifs ayant eu lieu en 2005. Toutefois, ces deux dispositions ne présentant pas de différence quant au fond, je considère que la Cour peut répondre à la question préjudicielle en se référant à cette dernière disposition.


30 –      Arrêt National Grid Indus (C‑371/10, EU:C:2011:785, points 37 et 38 ainsi que jurisprudence citée).


31 – Arrêt National Grid Indus (C‑371/10, EU:C:2011:785, point 37).


32 – Arrêts Commission/Danemark (C‑261/11, EU:C:2013:480, point 31); Commission/Portugal (C‑38/10, EU:C:2012:521, point 29) et Commission/Espagne (C‑269/09, EU:C:2012:439, point 60).


33 – Arrêt Amurta (C‑379/05, EU:C:2007:655, point 24). Voir également arrêt Bouanich (C‑265/04, EU:C:2006:51, points 49 et 50).


34 – Voir arrêt du 17 juillet 2008 cité à la note 6.


35 – Voir, notamment, arrêt National Grid Indus (C‑371/10, EU:C:2011:785, point 42 et jurisprudence citée).


36 – Arrêt DMC (C‑164/12, EU:C:2014:20, points 51 et 52).


37 – Arrêt National Grid Indus (C‑371/10, EU:C:2011:785, point 81).


38 – Voir arrêt DMC (C‑164/12, EU:C:2014:20, points 56 et 57).


39 – La situation serait différente si le droit de l’Union exigeait de tenir compte dans l’appréciation du montant des bénéfices imposables générés en Allemagne du montant des plus-values (ou des moins-values) réalisées si les actifs ont été réalisés aux Pays-Bas et au moment où ils le sont. La Cour a rejeté cette exigence dans son arrêt National Grid Indus (C‑371/10, EU:C:2011:785, points 56 et 57). Voir également arrêt DMC (C‑164/12, EU:C:2014:20, point 48). Je rappellerai ici que dans l’affaire National Grid Indus, la société demeurait en principe redevable de l’impôt aux Pays-Bas, bien qu’elle soit devenue résidente au Royaume-Uni. J’observe en outre que si un État qui a exonéré de l’imposition les revenus imputables à des établissements stables étrangers d’entreprises résidentes, une obligation de tenir compte d’une telle dépréciation des actifs qui leur ont été transférés sans être en mesure de prendre en compte une appréciation de la valeur des actifs après leur sortie créerait une asymétrie affectant la cohérence du système fiscal.


40 – Arrêt Commission/Portugal (C‑38/10, EU:C:2012:521, points 27 et 28). Voir également arrêt Commission/Danemark (C‑261/11, EU:C:2013:480, point 28).


41 – Voir arrêt Commission/Danemark (C‑261/11, EU:C:2013:480, points 31 et 36).


42 – Voir, à cet effet, arrêt Commission/Portugal (C‑38/10, EU:C:2012:521). Dans cet arrêt, la Cour a constaté que le recouvrement immédiat de l’impôt sur les plus-values non réalisées afférentes à des actifs d’un établissement stable situé sur le territoire portugais qui avaient été transférés dans un autre État membre ne pouvait pas être considéré comme justifié et proportionné. Voir également arrêts Commission/Danemark (C‑261/11, EU:C:2013:480, points 36 et 37) ainsi que National Grid Indus (C‑371/10, EU:C:2011:785), dans lequel la société était demeurée une société néerlandaise, bien que son siège de direction effective ait été transféré dans un autre État membre.


43 – Arrêt DMC (C‑164/12, EU:C:2014:20, point 57).


44 – Arrêts Commission/Danemark (C‑261/11, EU:C:2013:480, point 37) et DMC (C‑164/12, EU:C:2014:20, point 53).


45 – Arrêt National Grid Indus (C‑371/10, EU:C:2011:785, point 73). Dans certaines circonstances, le paiement immédiat épargnera au contribuable et aux autorités fiscales des charges administratives disproportionnées en raison de la nécessité de suivre l’évolution de la valeur de chacun des actifs transférés.


46 – Cet argument a été présenté par le Royaume du Danemark dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Commission/Danemark (C‑261/11, EU:C:2013:480, point 13). Je rappelle que la Cour a admis (voir point 37) que l’État membre puisse choisir un autre fait générateur de l’imposition que la réalisation effective des actifs.


47 – Arrêts Commission/Danemark (C‑261/11, EU:C:2013:480, points 36 à 38) et DMC (C‑164/12, EU:C:2014:20, point 53).


48 – Cela s’applique quelles que soient les règles d’amortissement qui, dans le cas des droits sur les brevets aux Pays-Bas, semblent être plutôt généreuses aux termes des observations écrites présentées par le gouvernement belge.


49 – Arrêt National Grid Indus (C‑371/10, EU:C:2011:785, point 81).


50 – Arrêts National Grid Indus (C‑371/10, EU:C:2011:785, point 73) et DMC (C‑164/12, EU:C:2014:20, point 61).


51 – Arrêt National Grid Indus (C‑371/10, EU:C:2011:785, points 70 et 71).